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Date de création : 12.05.2009
Dernière mise à jour : 12.05.2009
2 articles


1-une hotesse de l'air parfaite

Publié le 12/05/2009 à 12:00 par cobella


-Bonsoir!
-Bienvenue à bord!
j'avise la cabine d'un rapide coup d'œil, l'embarquement est plus long que prévu, apparemment ça coince sur la passerelle et dans l'avion c'est la cohue. Je suis quelqu'un d'optimiste mais je parie qu'il sera peut-être, allez 2h00 du matin lorsque nous entendrons enfin les réacteurs se mettre en route pour un vol retour Dakar/Orly.
Et à dire vrai je préfèrerais presque être sur la ligne de départ du marathon de New York tant je sais que la nuit va être longue. Il n'est que minuit quarante-cinq et je dois avouer que je serais beaucoup mieux dans mes Nike made in China qui sont de véritables chaussons que dans mes escarpins Yves Saint Laurent 6 cm de talon trop neufs qui brillent peut-être comme le soleil de Californie mais dans lesquels je n'arrive pas à bouger un seul orteil. Et quant à faire puisque j'ai le choix, dans mon vénéré lit (oui je voue une véritable passion comme à nulle autre pareille à mon King size confort ferme accueil moelleux depuis que je fais ce métier) car si j'ai des valises en soute, j'en ai aussi sacrément sous les yeux. Mais bon, j'ai un chignon banane qui me donne vraiment l'allure d'une hôtesse de l'air et mon uniforme Lacroix tout neuf lui aussi est franchement magnifique.
- Tenez voici votre verre d'eau, dis-je d'une voix douce
- j'avais demandé un jus d'orange, me répond le passager en passant sa main dans les cheveux.
l'Inconfort grandissant que je vais ressentir au cours de cette nuit ne m'empêchera pas d'être une hôtesse de l'air modèle, car j'ai été à bonne école, celle de la croix rouge pour la partie secourisme et celle de Air Terre la compagnie elle-même pour ce qui est de la sécurité à bord.
Et grâce à cette formation qui a duré un an, aujourd'hui je suis en Afrique, gratuitement, voilà le bon coté des choses.
Sur le sol Africain devrais-je dire en jetant un coup d'œil au tarmac gris à travers un hublot. Car à vrai dire de l'Afrique je n’en ai pas vu grand chose au cours de ces douze dernières heures d'escale.
Pour être franche cela se résume même aux trois bananiers qu'on pouvait voir par la fenêtre de ma chambre et la superbe boutique de l'hôtel cinq étoiles où j'ai acheté 2 girafes en bois magnifiques. Je ne m'étais pas rendu compte qu'elles étaient si grandes d'ailleurs (mais ne dit-on pas grande comme une girafe?) et maintenant leurs deux têtes tournées vers la cabine sortent des rideaux du placard de la classe affaire depuis la base de leurs cous multicolores.
-Tenez votre jus d'orange monsieur
-Ah non! moi j'ai demandé de l'eau mademoiselle
on dirait deux marionnettes au balcon d’une pièce de théâtre en train de se bidonner, et je dois dire que je suis fière de l’effet qu’elles produisent sur les passagers
Mais c'est le chef de cabine qui ne va peut-être pas rigoler quand il va les voir en faisant son tour d'avion habituel avant le décollage. Il dira:
-Ce n'est pas réglementaire, en essayant de leur trouver une meilleure place et moi je lui répondrai :
-Franchement, y'a des passagers j'te jure!, en compatissant un peu.
Mais c'est vrai quoi, on se croirait en plein safari ici. Ca dépasse de tous les cotés, des têtes d'animaux certes, mais aussi des tam-tam, des bois sculptés, des peaux, des sacs, des gri-gri, et puis les passagers africains un peu perdus qui pour la plupart prennent l'avion pour la première fois et squattent les allées un peu hagards en ayant du mal à trouver leur siège. Quelques blancs aussi qui ne servent pas à grand chose non plus. Et puis tout ce mélange avec la chaleur et l'humidité ça sent le cuir tanné à la bouse de gazelle.
Je n'aimerais vraiment pas être chef sur ce genre de vol. En fait c'est pire que le marché de Saint-Ouen.
-Daphné, tu pourrais s'il te plait dire à Anna qu'il va nous manquer du champagne?
-Heu…Oui pas de problème, j'y vais tout de suite
Qu'il va nous manquer du champagne? Il plaisante? j'ai compté seize bouteilles, pour les vingt-deux passagers de la classe affaire !
En plus c'est un vol de nuit, les passagers ne vont certainement pas picoler jusqu'au petit matin.
-Au fait tu es sûr? Dis-je en faisant mine d'arranger un petit bouquet de fleurs que j'ai sous la main, pour le champagne?
-Oui, on va faire un service au verre dans tout l'avion pour nous faire pardonner le retard qu'on est entrain de prendre.
Et vlan ! encore un retard ! encore un vol qui va exploser les créneaux programmés et qui va empiéter sur mes heures de repos demain. Et pour qu'on me pardonne il va falloir servir maintenant le champagne à cinq cents et quelques passagers, un par un, au verre! au lieu des vingt-deux de la classe affaire.
Quelle barbe !

Heureusement la nuit dernière, j'ai bien dormi mais enfin c'était juste pour les heures de sommeil à récupérer, et j'avais un sacré retard, pas de stock XL pour les heures manquantes à venir, non vraiment pas!
En plus ça n'était pas la nuit mais la journée puisqu'on est arrivés à l'hôtel à cinq heures du matin après le vol aller Paris/Dakar, couchés à six, et tous réveillés entre treize et quinze heures, dans le cirage le plus noir.
Anna qui est mon amie la plus complice à Air Terre, et qui se trouve aujourd'hui en chef de cabine à l'arrière de l’appareil a l'air encore complètement endormie.
- Coucou Anna, tu es courant on va faire un service champagne dans tout l'avion, et il paraît que c'est toi qui a la réserve champagne.
- Oui, je suis courant le CCP vient de m'appeler. Tiens je t'ai mis tes bouteilles là. Tu redescendras me voir après?
- Of course, à toute! dis-je en prenant toutes les bouteilles en même temps dans les bras. Six bouteilles que j'arrive à monter tant bien que mal à l'avant de l'appareil avec l'allure d'une femme enceinte croisée à un kangourou.

- Monsieur une coupe de champagne?
- Quand est-ce que l'avion y va se décoller là?
- Aucune idée monsieur, du champagne?
- Pourquoi faire?
- Heu, c'est une question de bulles, ça rend léger et ça facilite le décollage, il prend une coupe en me regardant un peu de travers.
Il me reste encore quatre coupes sur mon plateau,
- Allez une deuxième pour vous madame, je suis sure que vous avez quelque chose à fêter et pour vous monsieur et
- Non merci, une seule suffit
- Ah bon? Vous n'avez rien à fêter?
- Non, rien mais… vous peut-être que si?
- Oh non, que des choses à me faire pardonner il parait, et puis pendant le service ce n'est pas autorisé vous savez.
- Dommage! Et il me tend son verre avec un grand sourire. Il y a au moins quelques passagers qui ont l'air sympathique.

Coup d'œil à mes deux quadrupèdes hilares qui n'ont pas bougé. Bon ça me change quand même un peu de mes cours avant hier à Orly au siège de Air Terre pour les révisions semestrielles : secourisme et sécurité sauvetage au programme. Et maintenant comme tous les six mois je connais presque tout en ce qui concerne les avions Air Terre. Je sais à nouveau où se trouve le matériel de sécurité et de secours, comme les consignes de sécurité ou les gilets de sauvetage par exemple, les masques à oxygène ou encore les issues de secours, les trousses médicales si un passager se sent mal, les extincteurs aussi que j'arrive à manipuler à la perfection maintenant en cas de feu (lors de simulation d'incendie avec des fausses flammes de barbecue plus vraies que nature), et aussi les interphones pour la communication interne entre l'équipage dont je me sers de façon très professionnelle, ainsi que les micros pour les annonces cabine aux passagers "mesdames et messieurs votre attention s'il vous plait…" avec la voix grave et suave de circonstance, les toboggans pour les évacuations impromptues à ne pas crever avec les talons six cm YSL, et j'adore aussi les canots de sauvetage qu'il faut sortir après un amerrissage réussi et qui pèsent environ cent cinquante kilos chacun. Je connais même par cœur le numéro des sièges. Je veux dire de chaque siège, 571 en tout .- "14 B, par ici madame, 78E, c'est là jeune homme, 91F ? vous vous etes trompé d'avion monsieur, non je vous en prie ce n'est pas grave.
C'est la raison pour laquelle j'estime pouvoir ne pas être confondue pour deux girafes africaines que j'ai surclassées en affaire. On pourrait appeler ça de la compensation shopping si vous voulez. Je veux pouvoir rapporter ce que je veux d'où je veux comme je veux , et en contrepartie je suis en mesure de parer à toutes ces situations horribles, descentes d'urgence, amerrissages en plein Pacifique ou dans l'océan Indien voire même sur le lac de Genève ou sur la seine, atterrissages forcés sur l'autoroute ou sur le toit d'un immeuble qui sait, les crashs n'ont plus de secret pour moi, je sais toujours quoi faire, quand le faire et à qui le faire. Et le tout avec le sourire! En plus de tous mes cours j'ai visionné des dizaines et des dizaines de vidéos sur les accidents aéronautiques. J'ai appris que toute situation désespérée vue d'en bas dans laquelle on se demande apparemment pourquoi on a choisi un tel métier et surtout ce qu'on fiche là au dessus du vide à se pavaner en uniforme Lacroix et talons aiguilles YSL au milieu de cinq cents innocents est ENCORE plus désespérée vue d'en haut. Surtout quand à la base comme c'est le cas je suppose pour ces cinq cents assistés qui comptent sur moi, on a déjà peur en avion par temps de ciel clair, ce qui est AUSSI absolument mon cas depuis toujours je tiens à le signaler.
Qu'importe! Vu de la terre et en théorie je PEUX tous les sauver.
quoi? Non je n'ai pas honte.
J'ai même du mérite je trouve.
Tout le monde sait bien qu'on fait le métier d'hôtesse de l'air ou de steward UNIQUEMENT pour voyager à l'œil non?.

Et puis quoi je suis si souriante, franchement toutes les personnes que je connais -mises à part deux- et tous les passagers que j'ai rencontrés –cinq cents mille sont vraiment persuadés que j'ADORE l'avion. Que demander de plus à une hôtesse? même en cas de turbulences, je souris, c'est si simple, gratuit et si radical comme méthode pour détendre l'atmosphère que je me demande pourquoi certains sont encore si moroses. Air Terre en a même fait son slogan. "Souriez vous etes sur Air Terre" ou quelque chose du genre. C'est la méthode Ouec, c'est à dire la méthode Coué mais à l'envers.
En fait pour parfaire ma formation aéronautique j'ai pris des cours autodidactes de " Cheese". Explications : il suffit de se mettre devant une glace, dos bien droit et de répéter "CHEESE", "cheese" en découvrant les incisives comme les anglais qui le font tout naturellement par réflexe conditionné lorsqu'ils sont pris en photo. Attention tout de même de ne pas ressembler à un pitbull. Point trop n'en faut. Cette méthode est vraiment formidable, et dès que j'ai un instant dans une chambre d'hôtel je fais une séance de dix minutes- pas plus- de "cheese" que je termine par des injonctions telles que "aime toi et le ciel t'aimera", " l'avion est vraiment le moyen de transport le plus sur au monde", "1 seul mort pour dix mille kilomètres", "mieux vaut mourir en l'air avec le sourire que sur terre dans des souffrances atroces.. etc.…j'ai un arsenal de phrases positives dans mon sac qui est le réel secret de ma réussite à Air Terre.

Bon, que se passe-t-il? Pourquoi ne bouge-t-on pas d'une aile? On aurait du déjà décoller depuis deux heures! Je n'en peux plus d'être debout à servir de l'eau, des cocas, et du champagne pour me faire pardonner, à deux heures trente du matin!
Je suis une hôtesse de l'air, pas une hôtesse de terre bon sang !
La preuve, vous savez quoi ? tant que les réacteurs ne sont pas en route, je ne suis pas payée. Pas même un centime alors que ça fait cinq heures que le pick-up à l'hôtel a eu lieu, six heures que je suis en jus d’uniforme, sept que je suis debout et que je me suis battue avec des collants de contention pour prévenir les varices qui me saucissonnent maintenant tellement les jambes que j’ai le choix entre devenir représentante chez Herta ou faire un thrombose. Et deux cent quarante-cinq heures et….voyons… cinquante deux minutes que j’ai les pieds tout boudinés qui dépassent affreusement de mes chaussures. Mais bon là c’est de ma faute, j’ai pris une taille trente-neuf, alors que les deux femmes occupées à nous chausser cette année m’avaient conseillé de prendre deux tailles au dessus. Pour pouvoir gonfler tranquille m'ont-elles dit. Deux tailles au-dessus? on voit bien que c’est pas elles qui chaussent du quarante !
J’ai d'abord cru que c’était une blague, d’ailleurs le quarante-deux n’existe pas pour les femmes. En plus des collègues masculins étaient dans les parages en train d'essayer leurs propres chaussures alors quand on m’a demandé ma taille j’ai répondu coquettement que je faisais du trente-sept en pensant que c’était l’occasion rêvée de commencer le traitement chinois dont on parle toujours mais que personne n’a jamais eu le courage d’entreprendre depuis les Ming.
J’évite en général d’être perfectionniste et négative mais mes petits pieds ont beau être siglés YSL, y’a pas à tortiller on dirait quand même des pieds de porc, comme quoi les marques ne font pas tout.

-Eh là ! quand est-ce qu'on part, c'est pas fini cette reconnaissance bagage, c'est quoi ce bordel ? me lance un passager de la classe économique qui a vraiment l'air en colère.
-Quoi ? heu.. Bientôt, un peu de patience je vous prie, dis-je en tournant les talons.
Cette reconnaissance bagage? Mais de quoi parle-t-il? Y aurait-il eu une annonce que je n'aurais pas entendue?
Je dois voir le chef de cabine principal au plus vite, et savoir ce qui se passe, lui qui est en permanence en contact avec le poste de pilotage saura certainement me renseigner.
Aie, ouille, les couloirs sont vraiment très étroits dans les avions, il y a des pièges partout ici, un sac par ci, un pied par là, heureusement qu'on n'a pas à évacuer.
-Rangez-moi donc ce sac s'il vous plait , il y a des coffres à bagages pour ça, dis-je en manquant de trébucher sur un objet non identifié.
-C'est mon pied, me rétorque l'air mauvais un passager.
- Eh bien rangez-moi ce pied bon sang!
-Monsieur s'il vous plait pourriez-vous ranger votre sac dans le rack à bagages prévu à cet effet? Vous comprenez c'est une issue de secours ici et il faut qu'elle reste dégagée tant qu'on ...Tant qu'on quoi ? si je prononce le mot décollage, ils vont tous se mettre à me questionner …Heu …Tant qu'on est au sol.
- Article 358 de la procédure concernant les évacuations dis-je au pif en relevant la tête.
-J'ai besoin de mon sac, me répond ce passager tout à coup intimidé et par ailleurs obèse, donc qui n'a rien à faire devant cette issue de secours. Car pour évacuer un avion, il faut placer au droit des issues des personnes capables d'aider l'équipage, pas d'enfant donc, ni d'handicapé, ni d'obèse et surtout, surtout pas de sac qui pourrait en obstruer la sortie. Je le sais, ce sont mes cours d'avant-hier.
-Si vous avez besoin de votre sac alors prenez-le sur vos genoux sinon placez-le dans le rack, c'est la constitution, heu… c'est la procédure.
Tandis qu'il s'exécute, je me sens heureuse de mes prérogatives et fière de mon autorité. Comment je lui ai cloué le bec avec "c'est la procédure" ça me tue. Moi si j'avais été lui et vu les conditions actuelles du vol qui sont plutôt néantissimes je me serais répondu, la procédure vous pouvez vous la mettre où je pense vous voyez. Heureusement parfois que je suis moi.
Voilà j'arrive dans la zone raffinée de la classe affaire qui se trouve juste avant le cockpit, et je ne vois plus aucune tête dépasser du placard où j'avais rangé mes deux trésors. Je l'ouvre, rien. Tiens? Quelqu'un les aurait finalement placés ailleurs? Et où est le chef de cabine? J'ai pourtant arpenté tout l'avion, ah! au cockpit certainement! Je marche très vite pour éviter les questions des passagers et lorsque j'arrive enfin devant la porte du poste je prends machinalement une grande inspiration et je compose de la main droite le code secret que seul l'équipage connaît tout en dégageant de la main gauche une mèche de cheveux et en ajustant mon chemisier bleu avec la paume d'un geste sec.


Fin chapitre 1er **************************************

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